Je le trouvais génial, je trouvais ses textes ouf et il bousculait mon petit monde fermé. On avait un million de ref communes, et un milliard de différences culturelles. Ne pas habiter à Paris, ne pas avoir son bac, vivre chez ses parents… Il ne répondait en rien à ma bucket list, il ne ressemblait à personne que je connaissais, il était ma relation cachée, à distance, safe. On s’écrivait et l’on se parlait tout le temps. Cet été là, alors qu’il était à Cannes en tournée avec son groupe de rap, il passait sa vie avec moi qui lui racontait la mienne.
C’était de l’amour courtois. Un amour très fort entre deux personnes qui ne viennent pas du même monde et qui se contentent de s’écrire et de s’aimer sans jamais se toucher ni se voir. Enfin ça, c’est l’histoire que je me racontais. Parce que lui, il voulait me voir, me rencontrer et globalement me pécho. Pour lui il n’y avait pas d’histoires de “blabla, on est trop différents, ça marchera jamais”.
Au lieu de m’envoyer chier, parce que je faisais des manières, il m’a dit “On se verra quand tu seras prête, j’ai tout mon temps un jour je vais t’épouser.” Cette phrase reste une des plus romantiques qu’on m’ait dite avec “avec toi j’ai envie d’être papa” et “Je préfère porter des boules quies que d’aller dormir dans le salon.”
Tout était super sauf que j’avais deux peurs débiles.
Sagewen, que j’appelais désormais “Wen” même si son prénom c’était Bruno, m’estimait beaucoup, beaucoup trop. J’avais réussi à lui faire croire que j’étais tout là-haut dans le paradis des meufs mortelles, que j’étais hors norme, spéciale et globalement géniale. Dans la vraie vie, j’étais rien de tout ça. Je pesais 30 kg de trop selon les médecins, je ne me trouvais vraiment pas ouf physiquement, j’étais sympa mais bon je pouvais aussi être très chiante, je vivais chez une chatte qui m’interdisait désormais le salon ET l’entrée… La vérité était moins belle que l’image qu’il s’était faite de moi.
Ce que nous avions était trop bien, mais surtout j’adorais avoir un mec fou de moi et je ne voulais pas que ça change quand il découvrirait la vérité. De la même façon, je me disais qu’il était trop chouette pour être vrai et que dès que je le rencontrerai, je déchanterais.
Deuxième point qui me terrifiait, je n’avais pas confiance en moi physiquement DONC (lien logique dans ma tête) je sortais qu’avec des mecs beaux pour me rassurer. Et Wen n’arrêtait pas de me prévenir qu’il était cheum : “j’ai de grandes oreilles, j’ai un corps de lâche (sic), je ne plais pas trop aux meufs généralement”.
On n’était pas bien à s’écrire tout simplement ?
J’ai donc rencontré un mec, à la fac. Damien, un méchant garçon qui me trouvait pas très intelligente parce que j’écrivais un journal intime. J’étais bien meilleure que lui en cours, mais ça ne comptait pas, parce que lui il lisait Spinoza et que moi je disais que ça ressemblait à un nom de pizza.
Damien n’a pas éloigné Navo (comme le surnommaient désormais ses potes) avec qui j’entretenais une relation amicale virtuelle. Il avait trouvé une copine hyper gentille avec qui il s’était même installé.
Damien m’a quitté, pour une copine à nous qu’il voyait en parallèle depuis 6 mois. Et Navo a quitté sa chérie je sais plus trop pourquoi. Mais je ne voulais toujours pas le voir.
Deux ans et demi après notre rencontre « virtuelle », il a décidé de venir en personne à Paris, m’attendre en bas de chez moi pour me faire la « surprise ». Il a passé des heures assis sur un plot en béton. Je suis passée devant lui sans le reconnaître. Puis il m’a appelé. M’a parlé de ma chatte à la fenêtre et là j’ai pété un câble. J’ai répondu Hitchcock, psychopathe, stalker (enfin je ne connaissais pas ce mot à l’époque). Je lui ai demandé de se casser-espèce-de-taré et il n’a pas compris ma réaction.
Moi j’ai mis 10 ans à comprendre que ce jour là, il m’a vue à mon insu, sans que je contrôle ou puisse camoufler mon corps. Je me détestais tellement que je lui en ai voulu de briser le charme du “fantasme” de sa Parisienne trop belle, pour une meuf dégueu et mal coiffée.
Je lui ai fait la gueule quelques mois (le comble pour ce gars qui n’avait rien fait qu’un geste romantique de rom com) puis on est redevenus copains (installation d’un pattern). Il s’est remis avec sa meuf, j’ai eu de nombreuses aventures avec des garçons toujours jolis, mais jamais les bons, j’ai quitté Sissi qui est partie terroriser d’autres maîtres en Normandie. Jusqu’à un soir en forme de twist où galvanisée par notre milliardième conversation, je lui ai dit : “Viens me voir. Dans une heure. Café Bonobos, place Gambetta.”
Et tout s’est déroulé comme personne ne l’avait prévu.
Ah mais je comprends tellement tout trop bien ! La prise au dépourvu surtout.
Ce serait tellement chouette d’avoir sa version de l’histoire :)