Un jour Navo m’a dit on se voit, et j’ai dit non pendant plus d’un an ou deux, un jour Navo a rompu avec une femme pour se mettre avec moi et finalement j’ai dit non, un jour Navo m’a attendu sur un plot devant chez moi pour me faire une surprise, je l’ai traité de taré et je ne lui ai plus adressé la parole pendant des mois, un jour je l’ai trompé et j’ai attendu qu’il le découvre pour le quitter.
À ce stade, quelqu’un de normalement constitué aurait dit « Salut, et belle vie ». Mais c’était sans compter l’absence de jugement qui caractérise Navo. S’il t’aime tu as le droit de merder, d’être moche et même mauche, tu as le droit d’en faire des caisses, pas assez, tu as le droit de détruire… S’il sait ton amour pour lui sincère, s’il sait que tu ne prends pas de plaisir à faire ça et surtout s’il te comprend. Il ne te lâche pas une seconde. J’ai tout fait pour qu’il m’abandonne, alors il a tout fait pour me prouver que je ne mérite pas d’être abandonnée. Navo a réparé pas mal de choses en moi et j’ai changé, profondément.
Il ne m’a jamais aimé pour ce que je pouvais lui apporter ou non, ce que je pouvais lui donner. Il m’a toujours aimé moi, avec mes casseroles, ma famille dysfonctionnelle, mes cauchemars, mes peurs et mon incroyable poitrine évidemment.
Août 2008 je sors avec Baptiste et je me sens très heureuse, légère, libre alors que je vis dans un appart bien merdique, ma situation professionnelle et financière est préoccupante. Toutefois je me sens « alignée », les disputes n’existent plus dans ma vie, mon couple est libre, je peux un peu faire ce que je veux, j’écris, je pose nue, c’est la teuf. En septembre 2008, je fête mes 26 ans et Navo vient. Il veut rencontrer Baptiste. Je vous laisse imaginer mon état, je n’ose imaginer le sien mais ce soir là, on a bu et ri comme si tout ceci était l’évolution normale de notre relation.
À la fin de la soirée, Navo m’a dit « Quand j’ai rencontré Baptiste, j’ai compris. Tu vas faire des enfants avec lui. Il est hyper sympa, j’arrive pas à lui en vouloir d’avoir piqué ma meuf. »
2008 marque un très grand tournant dans la vie de Navo. À partir de là, il a démissionné, il a décidé de vivre de sa passion (même si sa passion ne l’autorisait à manger que des nouilles chinoises à moins d’un euro). Il était désormais parisien, vivait dans un petit appart rue Dorcel, dit « La fabrique de chapeaux d’hélicoptère » seul, puis avec son frère. Cet appart a vu défiler beaucoup d’âmes esseulées, de copains artistes de galère. Et pendant que je me construisais sagement, il déconstruisait ses codes consciencieusement. Il sortait beaucoup et je le voyais évoluer et changer, comme un papillon chevelu. Je vous laisse imaginer ma gueule quand il s’est mis à fumer. Je rappelle qu’il m’avait dit « tu arrêtes de fumer où on ne vit pas ensemble. Jamais je pourrais vivre avec une fumeuse. » Bref, il a pris de l’assurance à mesure que des comédiens le sollicitaient pour ses talents (et putain il en a). Puis il a eu des meufs, ça se passait plus ou moins bien et il m’appelait toujours pour débriefer. Je l’avais insécurisé alors parfois il était relou avec elles, mais quand c’est elles qui déconnaient, je me mettais en mode louve.
Je le consultais, pour tout, ma famille, mon mec, mon taf. Il m’a dit qu’il fallait que j’écrive moi aussi pour de vrai alors je l’ai aussi fait.
Il a eu un projet de série qu’il est venu tourner chez et nous et on a bossé ensemble avec lui et Baptiste, comme dans le temps (enfin dans le temps on couchait ensemble et y’avait pas Baptiste, mais quand même.) Cette série n’a pas eu le succès escompté, mais une autre allait venir tout défoncer.
Je me souviens du transfert de l’épisode pilote de Bref, qu’il m’a envoyé un peu avant la diffusion. J’ai eu la même réaction que des millions de Français par la suite : GÉNIE. Après ça a été le tourbillon, Navo n’a plus eu à compter ses sous, Navo a été très entouré, encensée, adulé et moi, j’étais la plus fière du monde.
J’ai connu des moments douloureux, des petits drames, de gros chagrins. Il a eu le cœur piétiné, il a été déçu. Je me suis mariée, j’ai eu un enfant. Nous sommes partis en vacances ensemble, il est tombé amoureux de ma meilleure amie et a vécu une grande histoire d’amour avec elle et d’autres. Je l’ai accompagné à plusieurs enterrements, et il m’a accompagné dans toutes mes errances. On s’est vus vieillir, grossir, maigrir, pleurer, rire, se taire et on ne s’est plus jamais menti.
S’il y a bien sur terre quelqu’un qui sait comme j’ai pu être petite, moche, dissimulatrice c’est lui. Il connaît le moindre de mes défauts, et s’il reste, sûrement mes qualités aussi. Si l’expression « aimer sans condition » pouvait s’illustrer, j’y mettrais l’amour que nous éprouvons l’un pour l’autre. Je connais ce petit gars depuis 2001, il avait 19 ans, il voulait être rapeur, puis « le prochain Alain Chabat ». Il pensait que j’étais la femme de sa vie, il détestait l’alcool, la clope et croyait en la monogamie.
21 ans plus tard, quelques-unes des précédentes affirmations sont légèrement obsolètes. Mais ce qui n’a pas changé en 21 ans, c’est tout l’amour, l’admiration que je porte à cet homme.
J’aimerais vous partager un petit bout de lui, ce que j’ai de plus précieux, un petit bout de mail qui a presque 20 ans (oct 2004).
« (…) Ce que je veux te dire, je te le dis parce que j’ai compris une chose : aimer une personne ça ne se contrôle pas. Et je pourrais bien faire ce que je veux, je ne pourrais pas me mentir éternellement. Que tu le veuilles ou non, tu es mon amie.
Peut-être même la meilleure.
Au-delà des mots, ce que tu es pour moi, malgré ces apparences trompeuses et ces moments où l’on ne se parle pas. Quand je ne te parle plus, c’est seulement que je te parle sans que tu l’entendes. Je te parlerai toujours même si l’on ne compose plus nos numéros sur nos portables. Je te parle et je t’entends.
Mais je m’égare, ce n’est pas ce que je suis venu te dire.
Je voulais te dire que, malgré les tournants, malgré les ombres et les lumières, malgré les hauts et les bas, les je-t’aime-moi non plus, malgré les silences radio, les désirs ardents, les petites colères étalées grands doutes et même si tu essaies de tout faire pour que cela arrive…
Tu ne me perdras jamais.
Tu ne me perdras jamais. »
Moi non plus Nounou. Joyeux anniversaire, je t’aime.
Merci de nous avoir partagé cette inesti relation. L’extrait du mail final m’à touchée en plein là où ça fait résonance! Pfiou!
Très beau et très touchant, on se sent privilégié d’avoir lu cette histoire. Merci !