La semaine passée, mon mari et moi avons dû combattre le boss du premier niveau de « Parenting volume 2 ».
On avait nailé tout « Parenting volume I » avec une facilité tellement déconcertante qu’on caressait l’idée de refaire un autre bébé dans la foulée. Les boss de niveaux : dents, coliques, nuits complètes, pieds-mains-bouche et varicelle avaient été si simplement détruits que c’en était presque gênant. On ne le disait pas aux autres parents, on faisait genre « ouais grave je comprends » et on se murmurant ensuite « putain, mais nous on a fait Bébé Bonheur quoi. »
« Parenting volume 2 » a remis les choses à plat, avec une bonne grosse claque dans la gueule. Je vais d’ailleurs de ce pas me faire poser un stérilet dans chaque orifice (sait-on jamais) en attendant la ménopause (qui devrait bientôt arriver puisque je vous rappelle que je ne vais pas dans le bon sens.)
Donc, la semaine dernière, Lulu n’est pas là, c’est une semaine à 4 (arrêtez d’oublier Elvis) et on fait face à un bon gros pic de colère de Nino dit « Le petit » ou « Ninoush », « monamour », « chou », « mon petit gars » ou « putain-il-est-casse-couilles-là-non ? »
Nino a 22 mois, c’est un super petit humain (c’est comme ça que l’appelle Elvis), il est très drôle, affectueux, intelligent… je vais répéter drôle, parce que je crois que c’est sa plus grande qualité. 22 mois ça veut dire, pour ceux qui n’ont pas d’enfant et qui continuent de lire cet article (merci) : pénible. Je n’invente pas la roue, c’est un âge que les psys appellent celui du terrible two. Le terrible two est très important pour le développement psychologique, une phase nécessaire, de celles qui construisent et font grandir puisque l’adorable être qui vous servait de bébé bonheur jusque-là apprend quelque chose qu’il chérira toute sa vie, l’indépendance.
Être indépendant, à cet âge, ça ne veut pas dire dormir tard le week-end pour laisser les parents récupérer, ça ne veut pas dire non plus s’habiller seul, ou se changer sa propre couche quand elle est pleine… L’indépendance à deux ans consiste globalement à dire : NON.
Non au bain. Non à dormir. Non à se lever. Non pour se moucher. Non pour s’habiller. Non pour se déshabiller. Non au repas. Non aux couverts. Non à l’attente. Non à la précipitation. Non à donner la main dans la rue, dans les marches. Non pour prêter, rendre ou donner. Non pour aller à la crèche. Non pour repartir de la crèche. Non à ta mère, à ton père, à ton frère et à la réforme des retraites.
Heureusement l’enfant ne ressemble pas tout le temps à Kim Jung-Un, mais suffisamment pour que Papa et Maman aient envie d’un ti » punch beaucoup trop tôt dans la journée. L’agacement dans mon cas se caractérise par une voix aiguë et des larmes prêtent à jaillir. Dans le cas de mon mari, au volume de voix d’un teufeur en technival et à une humeur maussade pour le reste de la soirée si son fils l’a contrarié.
La semaine passée, Nino a fait plusieurs crises à son père parce qu’il ne voulait pas quitter la crèche, mettre ses chaussures, etc. (avec le défilé des parents qui regardaient mon mari dépité) (et peut-être un peu fiers aussi que leurs gosses soient obéissants) (je comprends.) À la maison Nino m’a littéralement pissé dessus et ça avait presque l’air volontaire, il a déchiré en cachette deux livres, il a dessiné sur les murs…
Mais, il nous a répété plein de fois des « je paime » (je t’aime), en nous courant dessus les bras ouverts en chantant « caliiiiiiin ». Il a ri avec ses dents du bonheur à nos chatouilles… avant de redevenir frondeur comme jaja. Les montagnes russes de sa mère.
On l’a puni (timeout baby) 32 000 fois, on a haussé le ton, fermement, on a négocié. Parfois ça marchait, parfois ça le braquait et parfois il rigolait en courant tout nu dans la maison pour ne pas qu’on l’attrape pour mettre la couche.
La force de Nino c’est qu’il s’arrête toujours avant que j’appelle la prod de « Pascal le Grand Frère ». Il redevient, après avoir pleuré 5 minutes, ce petit être de lumière qui chante intensément « L’histoire de la vie » en fermant les paupières comme si un stade l’écoutait. Puis il sourit, bavarde… Bref, 10/10 en damage control, le gars ne se fera jamais larguer, j’ai enfanté un PN.
Mais samedi, en langage psy, Nino a passé sa journée à « appeler les limites » (=casser les couilles.) Sur les coups de 20 h 30, Renaud et moi ne rêvions que d’une chose : le coucher, et se finir sur le canapé devant un film. Lulu, lui, recevait un copain pour la nuit, bref, il ne restait plus qu’à mettre Nino au lit.
Nino était dans son quart d’heure de folie, grosse bonne humeur, il parsemait la maison de son rire radieux qui donne envie de faire un milliard de bébés.
Puis mon mari a dit « Allez Nino, dodo ».
La course joyeuse de la petite merveille s’est transformée en fucking « run for your life » et s’est terminée dans les toilettes.
Nous avons entendu le doux « CLAC » du verrou des WC.
On s’est regardé avec Renaud. Il a essayé d’ouvrir la porte… belle et bien verrouillée.
J’ai souri pour dédramatiser « On va devoir démonter la poignée, qu’il est relou. »
Caisse à outils… on observe le mécanisme et on réalise que… nope. Pas possible. Le verrou était décalé, de sorte qu’aucun outil à la maison ne pouvait venir à bout de ça. Il fallait soit aller voir les voisins, défoncer la porte ou appeler les pompiers.
Renaud commence à monter en pression et je crois lire dans ses yeux le scénario qui passe en boucle : Après quelques shots de Javel cul sec, Nino intrépide monte sur les WC, ivre il saute dans le vide et se fracasse la tête contre le sol. Abîmé, mais vivant, il se colle à la porte alors qu’on la défonce de tout notre poids, il est projeté à 28 km/h contre le mur d’en face.
Je propose donc de prendre les commandes de l’opé et demande à Renaud de rester dans la salle de bain et de me faire confiance. Je n’ai pas vécu un accouchement traumatique pour que mon fils finisse en faits divers dans les toilettes.
De la voix la plus douce qui soit, ambiance Youtubeuse ASMR, j’explique à Nino (il faisait moins le malin et commençait à dire mi-apeuré, mi-interrogatif « Mamon ? Mamon ? ») que tout va bien, mais qu’il va devoir se sortir tout seul de là.
J’actionne la poignée et lui explique qu’en dessous il y a le verrou et qu’il doit le tourner très fort pour ouvrir.
Je vois le verrou bouger et je me dis que s’il y arrive, je l’inscris directement au CP à la rentrée, le gars n’a pas le temps pour la maternelle.
Puis j’entends sa petite voix qui me dit : « Sidur » (c’est dur)
Là j’ai envie de crever d’amour tellement il est mignon. Mon tout petit garçon qui est encore un bébé (il porte des couches, boit des biberons et compte pas dans l’ordre, n’a pas deux ans, bref, c’est un bébé) est coincé dans l’endroit que préfère son père, mais qui reste le moins friendly de notre appart (j’y mets les livres de développement personnel et les lectures chiantes qu’on nous file à Noël.).
« Tu vas y arriver, t’es trop fort. Oui, vas y pousse pousse »
Telle une sage-femme qui rassure sa patiente qui accouche j’encourage Nino à pousser. Cette image est complètement fucked up, mais je la laisse là parce que Freud le souhaite.
« Sidur Mamon, sidur »
CLAC
Il a réussi. On s’est regardé avec Renaud et au lieu de l’accueillir, on l’a embrouillé en ne lui disant PLUS JAMAIS ÇA sur un ton très drama (oui, il nous en faut peu).
Ce soir-là, quand les petits se sont endormis j’ai beaucoup réfléchi. Renaud avait la gueule de ceux qui rentrent du Burning Man, soulagé, lessivé, choqué. Moi, j’étais soulée d’avoir passé une semaine teintée de punitions, de « non » et de cris. Je me suis alors souvenue des mots sages de l’immense Caroline Goldman dans son épisode sur les « limites éducatives ». Elle disait en gros : quoique votre enfant fasse, soyez calmes, mais fermes, utilisez le time out, quand les règles sont enfreintes, mais surtout prenez de la hauteur. Ne criez pas, tout ça ne doit pas vous affecter, un enfant qui désobéit se gâche un peu la vie, pas la vôtre.
Franchement elle m’aurait dit « pour éviter le burn-out parental faut introduire un pot de Boursin ail et fines herbes dans l’urètre du géniteur » je l’aurais tenté.
On a donc testé le « éduquer son enfant en répondant à ses limites par des punitions, mais avec calme et en continuant votre life après. »
Bah, on vient de passer une semaine géniale… En arrêtant de hurler, on a aussi arrêté de lui montrer qu’il avait un impact sur notre humeur, et qu’il pouvait toujours se toujours se brosser pour qu’on crie. Et il a arrêté de crier.
Alors, rassurez-vous, il continue à dire non (en mode « nique-toi »), mais je le regarde en souriant et en lui disant « c’est dommage, parce que si tu continues, tu vas aller dans ta chambre réfléchir » (A quoi ? je ne sais pas, il maîtrise le langage de façon archaïque). D’ailleurs je dois avoir l’air d’une folle avec mon sourire bienveillant et mes menaces de tortionnaires. Mais, Renaud et moi depuis une semaine, on a l’air d’avoir mangé un perle de lait.
Je l'ai lu à ma mère (j'ai 360 mois) on s'est gondolé comme pas permis 😍
Putain j’ai tellement chialé de rire ! 17 mois 3/4 ici. Autant te dire que 22 c’est demain 😅