Une armée de Christian Clavier regarde le ciel en se demandant ce qu’elle a fait au Bon Dieu. J’entends des mâles essayer de résister, poings serrés, à la si lente ascension vers l’égalité. Ils écrivent, chantent, tournent des films, débattent sur twitter, protestent sur les plateaux. Ils sont nos voisins, nos pères, nos cousins et parfois nos mecs. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour retarder le mouvement, mais en vain, le glissement de terrain du patriarcat est inévitable… pas déso.
La panique est inhérente au changement, n’avez-vous jamais été dévasté.e par une mise à jour ? J’ai vu des gens pleurer parce que l’interface de Facebook ne proposait plus 5 photos à la Une à partir de 2010. Les humains sont fragiles, ne l’oublions pas.
Donc, des hommes ont peur et pensent que la société va de mal en pis, et généralement, l’axe du mal se constitue de féministes, de végan et de celleux qui interrogent le genre.
J’ai toujours vécu dans un pays fracturé. La droite ou la gauche, Paris ou Marseille, M6 ou Canal +, pain au chocolat ou chocolatine, Miss France ou Miss météo, Harry Roselmack ou… (merde, il n’y en a qu’un, putain on va encore passer pour des racistes alors qu’on adore Yannick Noah).
Aujourd’hui, une partie de la France a peur. Pourtant, cette France-là est virile. Elle pince des miches en rigolant, se parfume le samedi soir, siffle les « minettes », et appelle l’épouse « la patronne ». C’est la France du « c’était mieux avant », « on ne peut plus rien dire aujourd’hui ». La France du « c’est du racisme anti-blanc » et « elle est maquillée comme une voiture volée ». Une France où les femmes sont misandres et achèvent les hommes en les émasculant avec leurs collages grossiers dans la rue. Cette France-là ne coupe pas la parole, elle débat, ne mensplaine pas, elle explique, elle, ne harcèle pas, elle drague, elle ne féminicide pas Monsieur-le-Juge, elle crime passionnel. Cette France est pleine de poètes, elle cite Desproges et Coluche, trouve qu’on n’a jamais fait plus beau qu’Alain Delon ou plus magnifique que Jean-Paul Belmondo. Cette France-là a un sérieux coup de blues.
Il n’y a plus de nichons dans les pubs… Pourquoi voir le mal partout, on n’objetise pas les femmes, Monsieur-le-Juge, on leur rend hommage. Elles sont si belles, désirables, fragiles et fortes à la fois. On a composé au moins 80 chansons à ce sujet. Vous ne comprenez pas ? On les aime les femmes, elles sont nos muses.
Cette France-là elle adore leurs moues, leurs jambes épilées, leur fichu caractère, leur hystérie passagère et leur quiche lorraine. Dans cette France, on ne fait pas de procès aux hommes, on les écoute. Un homme c’est sérieux, ça a toujours des arguments. Les femmes ça chouine, ça ment, ça manipule, ça influence les enfants, ça a ses règles et d’autres trucs qui empêchent de baiser quand on veut. Évidemment qu’à force de ruse, elles poussent à bout et parfois, leur coller une danse c’est la seule solution. Un homme, c’est biologique, ça a des besoins. Les féminazis elles disent « viol conjugal »… alors que, merde, on est marié. Dans cette France-là, un homme quand il vieillit, il ne peut s’épanouir qu’aux côtés d’une plus jeune. Une femme qui vieillit est aigrie, jalouse, irritable, moins voluptueuse, plus sèche. Ah cette France-là, elle aime les jeunes, les légères… elles savent pénétrer « Le cœur des hommes » et on en fait un film, ou deux, trois, quatre. Un quinquagénaire a déjà assez de problèmes à gérer pour s’encombrer d’une sorcière qui ne veut qu’une chose : se venger et du pognon. Les folles d’aujourd’hui elles sont laides, elles crient, elles hurlent, elles manifestent, elles font des scandales, elles ne s’épilent pas, elles sourient même plus au printemps, elles portent plainte, elles accusent, sur la place publique, elles quittent, elles dénoncent, elles brûlent tout ce que la France a mis des siècles à construire, et on n’a même plus le droit de les brûler. Enfin, on le fait un peu quand même. Y’en a marre de toutes ces dindes qui disent non. Des aliénées. Des mal élevées.
Ces femmes-là, elles se lèvent, et elles se cassent en face.
Dans la France de celleux qui se sont réveillé.es plus ou moins brutalement et qui ont une méchante gueule de bois. Qui ont commencé par « attends, mais ça… c’est pas normal… si ? Non, hein ». Cette France tire le fil qui dépasse et voit son habit tranquillement se détricoter. Cette France sait qu’elle doit être patiente, que l’autre France n’est pas prête à partager la parole, le pouvoir, les dividendes, l’espace public et les tâches ménagères. Cette France-là elle aime les hommes, et les femmes, et celleux qui se définissent autrement que par le genre. Elle essaie de trouver le beau, ailleurs que dans ce qu’on lui a transmis comme une oie qu’on a gavé. Elle se déconstruit, constamment, et c’est pas facile. Le changement c’est pas confortable. Cette France-là appelle un chat, un chat, un viol, un viol. Elles nomment les agresseurs, car la justice les protège, elle appelle à la solidarité dans les rues, et s’organisent pour se réunir en sécurité. Attention cette France-là n’est pas sainte, elle est sérieuse, maladroite, pas toujours organisée voire méga bordélique. Elle déborde. Cette France-là connaît le danger, sait la répression, mais garde encore de l’énergie pour expliquer que le patriarcat n’abîme pas que les femmes, et qu’on a tous.tes le même ennemi.
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Évidemment, en voyant le portrait de Beigbeder dans le journal du Figaro, avec une photo en médaillon façon l’homme de Chanel, j’ai explosé de rire. Pleurer la bouche pleine de privilèges c’est ce qu’il a toujours fait, mais franchement, avec un peu de recul, j’entends son désarroi. Je me suis mise dans ses bottes et celles de ses copains. Pas simple.
Toute leur vie, on dit aux petits garçons (surtout les petits intellos, un peu gringalets, pas forcément BG dans leur jeunesse) que leur heure de gloire sonnera quand leurs tempes grisonneront. Qu’ils seront des mâles, sexy, dans la fleur de l’âge, prêt à recueillir le nectar de celles qui riaient à leur nez à 20 ans !
C’est le moment pour Beigbeder. Il est censé jouir de ses meilleures années, profiter de son baroud d’honneur de mâle blanc riche de 50 ans, voilà qu’il a moins de choix que son père, et son grand-père avant lui. Il s’en sort bien, car, il sait comment faire, mais quand même, y’a les filles d’en face là, qui lui cassent un peu les oreilles. Les vingtenaires ne jouent pas toutes le jeu et en plus elles se moquent de lui alors qu’elles ont l’âge de sa fille aînée. Et le respect bordel ? J’ai des prix littéraires, moi doit-il se dire. Non définitivement les femmes d’aujourd’hui sont chiantes. Les femmes racisées ne veulent plus de vieux colons blancs qui adorent leur couleur café. Les stagiaires ouvrent leur gueule sur Twitter et les copains se font rattraper par la justice (coucou Matzneff)…
Ce n’est pas facile cette mise à jour. Elle coûte à ces hommes-là. Elle coûte des traditions, des héritages, des promesses d’antan, de l’argent, des privilèges et un peu d’ego aussi.
Peut-être n’a-t-il jamais mieux appelé un livre, que son prochain : « Confessions d’un hétérosexuel légèrement dépassé ».
Tu m’étonnes.
There there.
Beigbeder ça lui avait déjà mis un coup que Lena Mahfouf puisse publier un livre, on le sent au bout du rouleau de voir des femmes partout dans les médias (en dehors de la couv' de Lui). J'espère que ton texte lui remontera le moral 💪
Mais tellement, tellement!
Tu as mis des mots sur un ressenti que j'ai également. Heureusement je connais quand même des hommes qui pensent et déconstruisent ces schémas autour de moi, c'est rassurant.